Thierry Paquot détaille la conjonction, à la fin du XIXe siècle, de la nécessité de construire des bureaux et de la capacité technique de construire en hauteur (utilisation des métaux, du béton, apparition des ascenseurs, du téléphone…) qui a permis les premiers gratte-ciel. Il montre bien comment est née à Manhattan cette innovation qui a séduit le monde entier. Et il critique les décalques conçus pour battre des records en des lieux où le terrain ne manque pas. Bien des projets sont déraisonnables, certaines tours risquent de ne pas servir longtemps. L’auteur pense à certains États du Moyen-Orient, on pense aussi à la Corée du Nord.
La critique radicale des immeubles de grande hauteur (IGH), qui semble la raison d’être de l’ouvrage, est moins convaincante. Celle des tours de bureaux est dans l’air du temps (mais de quel type d’immeubles de bureaux oserait-on faire l’apologie ?). Thierry Paquot rejette avec la même vigueur les tours d’habitation du front de Seine ou celles des Olympiades. Misère d’une architecture minimaliste, déplore-t-il, erreur que constitue la construction sur dalle et charges trop élevées pour les classes moyennes.
Certes, mais on regrette que son évocation du treizième reste lacunaire. Il n’est jamais question du vécu des habitants, l’auteur ne fait pas référence à leur expérience d’habiter pour la première fois une tour qui souvent les a eux-mêmes étonnés. Beaucoup sont venus parce que ce n’était pas cher à l’achat ou qu’on leur proposait ce bien en location. Et souvent, surtout s’ils habitent en hauteur, ils sont restés, parce qu’ils s’y trouvaient bien. Ce qui manque au fil des pages, c’est la comparaison de cet habitat avec les autres, dans les mêmes tranches de prix (loyer ou achat compris, et pas en comparant uniquement les charges sans tenir compte ni du loyer ou du prix d’achat, ni des services offerts). Cette question mériterait d’être étudiée.

Jacques Goulet

Thierry Paquot, La Folie des hauteurs. Pourquoi s’obstiner à
construire des tours ?
, Bourin éditeur, 240 p., 19 €.