Deux associations « Les Promenades Urbaines », (www.promenades-urbaines.com) et « A travers Paris », (www.atraversparis.com) ont organisé le 9 avril « Les Promenades du Grand Paris », pour faire participer concrètement les marcheurs à la construction de ce Grand Paris. Cette approche du vécu local sur le terrain s’est prolongée en soirée par un débat au Pavillon de l’Arsenal qui a fait échanger experts et usagers.

* Georges Amar, prospectiviste à la RATP, a souligné l’importance de la marche, moyen certes « modeste » de se déplacer, mais incontournable. Si le transport est un outil qui évoque les déplacements « obligés », la marche renvoie plutôt au concept de mobilité : on bouge à son gré, à son rythme, on réintroduit le corps. On cherchait à marcher moins, désormais on veut marcher plus, intelligemment. C’est aussi un lien direct avec le territoire qui fait appel à l’innovation, pour repérer itinéraires et lieux de pause comme les bancs publics qui doivent être réinsérés dans la ville. La marche est donc le complément des autres modes de transport avec lequel on doit l’articuler dans un processus d’intermodalité.

* Bertrand Lemoine, directeur général de l’Atelier international du Grand Paris, rappelle que de nombreuses promenades inédites sont possibles à Paris mais aussi hors de la ville (zone de 40 à 50 km de diamètre). Marcher permet de découvrir de nouveaux territoires, d’apprendre à les connaître et de faire le lien entre eux. Cette traversée nécessite cependant de la porositédans cette grande ville qu’on a tendance à structurer, morceler, y compris dans la petite ceinture (grilles, codes). Dans un monde où domine la recherche de vitesse (transports, transmission de l’information), il faut réinventer la flânerie, qui fait « marcher sans y penser » (cf. Balzac) donc vivre, désirer, posséder. La ville doit aussi être hétérogène, laisser la place à la surprise (délaissés, envers…). Les lieux compliqués d’accès renforcent le charme de la découverte : trouver le passage permet d’agir sur les espaces urbains.

* Maud Le Floc’h, directrice du pôle de recherche sur les arts de la ville ou pOlau (http://www.polau.org/) cherche à décloisonner les espaces et leur approche, en reliant arts de la rue et arts de l’espace et en faisant remonter les initiatives métropolitaines. Dans 13 villes, par exemple, ont été organisés une expérience de « marche prospective » : des parcours d’une journée associent sur un territoire un élu et un artiste qui remettent ensuite un carnet de bord. L’élu y applique sa connaissance de la ville et l’artiste apporte un regard extérieur et des idées.

* Hélène Sallet-Lavorel, du Comité du Tourisme de Seine-Saint-Denis (www.tourisme93.com/), propose un « tourisme participatif », faisant dialoguer « touristes » et habitants. L’idée est de faire venir au-delà du périphérique des visiteurs a priori attirés par le pôle attractif qu’est le centre de Paris. En partant des initiatives d’associations locales, il s’agit de découvrir des identités autres : des rencontres avec les habitants qui racontent ce qu’ils connaissent, des visites d’entreprises où les travailleurs parlent de leur métier, de leur savoir-faire, de leurs innovations. C’est une valorisation des potentiels locaux qui repose sur un travail sur la fierté de ce qu’on est et qui permet de bien intégrer les visiteurs. Il y a ici un changement d’échelle au delà de la ville, qui est susceptible de faciliter les échanges, et qu’il faut encourager. Mais pour cela il serait bon, déjà, d’améliorer la signalétique sur les réseaux de transport en région parisienne.

* Chantal Deckmyn, directrice « Lire la ville » de Marseille, (http://lirelaville.unblog.fr/lire-la-ville/) pense que l’approche technique de la ville doit s’accompagner d’une lecture culturelle(lecture, écriture, art). La ville c’est l’accès à l’emploi et il faut faire sortir et accompagner ce qui est invisible chez les gens, leurs connaissances et leurs compétences. Cette démarche valable pour tous est particulièrement intéressante pour les publics jugés « inemployables » pour des raisons diverses (fragilité sociale, niveau de formation, problèmes de santé°. En matière de ville, la lecture est une traduction grâce au recueil patient de témoignages, de récits oraux, écrits, graphiques qui racontent le territoire, sa genèse, ses formes, les échelles en jeu. Ce travail s’appuie sur des outils : cartographie, observations, analyses, préconisations, programmes, projets… regarder le temps long permet de fonder une ville.

* Jean-Pierre Charbonneau, (www.jpcharbonneau-urbaniste.com), architecte et urbaniste, montre que dans ce monde où domine encore la voiture, marcher permet d’aller voir sur place, de connaître les ambiances, les distances, les valeurs d’un territoire. On marche partout, tous les jours. La marche doit être considérée comme un moyen de transport comme les autres et qui rajoute de l’urbanité. Il est important de conserver des lieux d’échange : la balade donne le contact avec les autres, peut être une fête, permet de se replacer dans l’espace urbain et au cœur des politiques publiques Mais la marche est parfois rendue difficile pour certaines catégories (enfants, personnes âgées ou handicapées). Il y a des coupures, des fermetures car on veut rester entre soi, il faut écarter « les autres ». Il est important de donner des lieux pour s’asseoir. Il y a aussi dégradation de la convivialité : le mobilier urbain est de plus en plus agressif, inconfortable, avec l’objectif de faire sortir de l’espace public les personnes jugées « indésirables ». Il faut un projet politique pour lutter contre cette exclusion. On peut intervenir en créant notre propre mobilier urbain, en allant le placer un peu partout.

A suivre…